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Franchir des pas

La crise écologique liée aux activités humaines, d'abord contestée, est maintenant notable et reconnue par l'immense majorité des terriens; des populations entières en subissent déjà les conséquences.
Comme la plupart d'entre-vous, j'ai conscience que nous sommes arrivés à un point de bascule et que, faute de pouvoir agir collectivement, nous avons le pouvoir de changer notre façon de consommer, de travailler, de produire, de penser pour tenter d'éviter d'entrer dans le mur.
Nos actions individuelles, si modestes puissent-elles paraître, pourront aussi avoir un impact collectif. Nos actions individuelles influenceront notre façon d'être au travail, ouvriront des champs du possibles chez nos amis et permettrons d'expérimenter de nouvelles façons d'être.
Réfléchir à demain commence pour moi à repenser à hier : comment vivaient nos parents, quels étaient les valeurs et leurs désirs, comment leur avons-nous succéder ?

Le départ

Je suis né au débat des années 60, dans une ferme en Flandre et depuis ma naissance, j'ai vu le monde se métamorphoser sous les coups de boutoirs de nos actions.
Le paysage bocager s'est progressivement transformé en plaine de plus en plus nue, verdoyante au printemps, ondulante en été, délavée à l'automne et dure comme le roc en hiver. Les oiseaux et petits mammifères traversaient hâtivement notre chemin d'une haie à l'autre devant où derrière nous quand nous nous déplacions à pieds ou à vélo. Chaque mètre parcouru était source d'émerveillement pour l'enfant que j'étais. A l'automne ou au printemps, dans la brume épaisse, nous parcourions les champs derrière les chevaux et la charrue, du haut en bas et du bas en haut; la terre, brutalement renversée par le soc fumait pendant quelques minutes et les vers de terre se dépêchaient de se frayer un chemin pour échapper aux oiseaux qui ne tardaient jamais à remarquer l'opportunité. De retour à la ferme, matin et soir, il faillait nourrir vaches et cochons et nous enfants participions avec bonheur à ces tâches, nourrir les chevaux était réservé aux adultes.
Le dimanche, nous nous levions encore plus tôt pour nourrir les animaux avant de partir à la première messe de huit heures, Nous quittions la ferme en voiture dont l'usage principal était nos déplacements vers le village. Une grande partie des femmes et hommes ne disposaient pas de véhicule motorisé et nous les croisions sur leurs vélos, comme chaque jour : ils travaillaient à proximité de leur domicile ou résidait à proximité de leur lieu de travail.Après la messe, nous faisions toujours la même tournée des magasins pour faire les courses pour la semaine. Notre père faisait la tournée des cafés avec toujours les mêmes compagnons agriculteurs : ils y parlaient de leur métier, du cours des marchandises, des terres à reprendre ou à céder dans le village suite à la cessation d'activité d'un tel ou d'une telle.
Le dimanche après-midi, c'était la journée de la famille; nous rendions visite à notre grand-mère qui habitaient avec la famille de sa famille installée sur la ferme qu'elle avait elle-même cultivé pendant toute sa vie. Cette ferme se trouvait à deux kilomètres de la notre. Elle était née dans une autre ferme encore à quelques centaines de mètres de celle où elle s'était installée avec son mari, mon grand-père, revenu amputé d'une jambe laissée sur le champ de bataille à Verdun. L'après-midi se passait en bavardages. Les adultes s’échangeaient les nouvelles de la semaine et celle apprises le matin même au village.
Nous rentrions alors à la ferme au soleil couchant. Les hommes (mon père et moi) nous hâtions de donner le seul repas frugal de la semaine aux animaux (pour eux aussi, c'était dimanche) et notre maman préparait un repas léger aussi pour nous : tous les êtres vivant de la ferme vivaient au diapason.
La semaine reprenait alors son cours au rythme des saisons et des travaux.

A la ferme, Nous disposions d'une cave mais ni de frigo ni de congélateur, nous jardinions (les enfants avaient droit à leur micro-jardin dans le grand jardin) et la grande majorité des aliments que nous consommions venaient de la ferme sauf le pain : four à pain, toujours présent avait été laissé au profit du pain de la boulangerie du village qu'amenait Paul, le conducteur à cheval qui venait chaque matin chercher le lait trait le matin et le veille au soir pour l'emmener à la laiterie du village. Chez l'oncle qui occupait la ferme de notre grand-mère et chez d'autres voisin encore, le lait était transformé en beurre à la ferme et le pain était encore cuit dans le four à pain local,
Pour notre vie courante, l'eau courante que nous avions au robinet était l'eau de la citerne des eaux pluviales, il fallait la faire bouillir sur le poêle au milieu de la cuisine pour les usages en cuisine et nous nous lavions au lavabo chaque matin à l'eau froide dans une petite salle de bains pas chauffée et où la baignoire servait peu. L'hiver, notre maman faisait chauffer de l'eau et nous nous lavions tour à tour dans une grande bassine au milieu de la pièce principale, la seule chauffée dans la maison.
Pour nos déplacements, en plus de nos vélos, nous disposions d'une automobile qui durait plusieurs dizaines d'années, Imposante, pour l'essentiel, elle servait pour nos déplacements collectifs et exceptionnellement pour les urgences.
Le trafic routier était faible et il s'est densifié rapidement à la fin des années soixante et au cours des années septante. Notre maman effrayée par à peu près tout convainquit mon père que nous prendrions l'autobus pour nous rendre à l'école du village, à moins de cinq kilomètres de notre ferme. L'itinéraire de l'autobus durait plusieurs heures. La route était devenue trop dangereuse et peu à peu, les tous le enfants des alentours de la ferme, prenaient le bus; en Belgique toute proche, le problème était résolu autrement et peu à peu on dotait les routes principales de pistes cyclables.
Nous continuions de nous servir de nos vélos pour les déplacements courts, le facteur venait à vélo avec des immenses sacoches avant de passer à la mobylette puis à la voiture automobile.

Entrée dans le monde des adultes

Dès 18 ans, les enfants de familles se hâtaient de passer le permis de conduire et, en quelques années, plus personnes ne pensait à se déplacer à vélo alors que nous en avions cinq ou six à la ferme; au lieu de les réparer comme nous avions l'habitude de le faire, à la prochaine panne, il terminaient leur vie chez le ferrailleur du coin sans même prendre soin d'en garder les pneus ou patins de freins.
Une page se tournait sans que nous en ayons conscience.
Dans le même temps et de la même façon, les tracteurs remplaçaient les chevaux, les stabulations remplaçaient les étables et les pesticides remplaçaient les manœuvres : une révolution s'opéraient sans choix délibéré. C'était comme çà !
Les rares questions restaient sans réponse, la marche forcée avait commencé et ceux qui se posaient des questions n'avaient qu'à rester sur le bord de la route.
A ce titre, je me souviens du “représentant” de la société de phytosanitaires qui cheminait de ferme en ferme avec sa camionnette remplie de produits miraculeux et des dithyrambes qu'il prononçait à ses victimes incrédules :

Des évolutions pour quoi ?

Le revers de la médaille

Témoignages pour demain

franchirdespas.txt · Dernière modification: 2023/09/23 21:46 de mediarbx